Louis XVI comptait non pas fuir la France (il aurait perdu tout droit à la couronne), mais se mettre sous la protection de troupes fidèles. Sa préoccupation était la protection de sa famille, les députés n'ayant pas été capables de la protéger des assauts des "sans-culottes" contre le palais de Versailles, où Marie Antoinette aurait pu être tuée sans le sacrifice des gardes du corps du roi. Louis XVI s'est expliqué dans une lettre à l'Assemblée trouvée le jour du départ pour Montmédy. ce bastion royaliste à partir duquel le roi espérait lancer une contre-révolution.
Dans ses Mémoires Axel de Fersen avoue ses sentiments pour Marie-Antoinette, mais nie avoir été son amant. S'il est vrai qu'il fut à l'origine de la fuite pour Varennes, en revanche il pesta contre l'attitude de Marie-Antoinette qui se refusait à partir sans son nécessaire de coiffure, sans son coiffeur Léonard, sans une partie de sa garde-robe ce qui mit tout le monde en retard.
Ajoutez à cela une mauvaise coordination, un Louis XVI indécis,l'affaire ne pouvait que capoter. Axel de Fersen en était parfaitement conscient et profondément attristé.
Le 21 juin 1791 minute par minute
Minuit dix
Louis XVI, déguisé en valet de chambre, monte dans une « citadine » (voiture de ville) stationnée près des Tuileries, rue de l’Échelle. Il y trouve sa sœur, Élisabeth de France, et Marie-Antoinette qui le rejoint à 0 heure 35. Marie-Antoinette s’était perdue dans les méandres des rues entourant le Louvre. Selon Michelet, Choiseul avait réservé la dernière place pour un de ses hommes de main. Louise-Élisabeth de Croÿ de Tourzel, fait valoir qu'en sa qualité de gouvernante elle a fait serment de ne pas quitter les enfants et qu'il doit lui céder sa place. Louis XVI intercédera à sa demande et le soldat sera forcé de descendre de la voiture. Pour Michelet, qui voit là l'une des raisons de l'échec de la fuite, l’expédition perd un homme compétent et connaissant le pays, au profit d'une femme inutile.
1 heure 50
La famille royale atteint la berline avec une heure et demie de retard sur l’horaire prévu.
2 heures 30
Premier relais à Bondy : Axel de Fersen qui avait accompagné la famille royale la quitte.
4 heures
Un cabriolet avec les deux femmes de chambre rejoint la berline royale à Claye-Souilly.
7 heures
Le valet de chambre s’aperçoit que Louis XVI n’est pas dans la chambre aux Tuileries et à la place du roi il trouve, laissé par ses soins, le texte : « Déclaration de Louis XVI à tous les Français à sa sortie de Paris », document manuscrit de 16 pages rédigé de la main du roi dans les jours précédents son départ, considéré comme « le testament politique de Louis XVI ». Ce texte sera censuré sur le moment par La Fayette, puis par l'Assemblée qui ne le diffusera pas. Il ne fut jamais connu des Français ni diffusé dans son intégralité à l'époque révolutionnaire. D'une part, Louis XVI y stigmatise les Jacobins et leur emprise croissante sur la société française. D'autre part, il y explique sa volonté : une monarchie constitutionnelle avec un exécutif puissant et autonome vis-à-vis de l'Assemblée. Ce document historique majeur, traditionnellement appelé « le testament politique de Louis XVI » a été redécouvert en mai 2009. Il est au Musée des lettres et manuscrits à Paris. Le roi commente son sentiment sur la Révolution, en critique certaines conséquences sans pour autant rejeter les réformes importantes comme l'abolition des ordres et l'égalité civile. A lire ici
Le comte de Provence (futur Louis XVIII de France) quitte quant à lui Paris au petit matin avec son ami d’Avaray et arrive sans la moindre difficulté par Maubeuge et Avesnes-sur-Helpe, à Mons, en Belgique. De là il gagne Marche-les-Dames où il apprendra plus tard l’arrestation de son frère Louis XVI.
8 heures
La nouvelle du départ de Louis XVI se répand dans Paris. L’Assemblée constituante, après avoir hésité entre la fuite ou l’enlèvement, déclare qu’il a été « enlevé ».
10 heures
60 hussards du régiment de Lauzun aux ordres du sous-lieutenant Röhrig cantonnent au Couvent des Cordeliers à Varennes-en-Argonne : ils y sont présents depuis le 8 juin, avec un détachement principal le 19 juin. Un détachement de 100 hussards aux ordres du chef d'escadron Deslon tient le poste de Dun-sur-Meuse à 24 km de Varennes : un détachement de 40 hussards est confié au sous-lieutenant Boudet, sous les ordres du duc de Choiseul pour accueillir la famille royale à Pont-de-Somme-Vesle, à la sortie de Châlons-en-Champagne. La Berline arrive à Viels-Maisons, l'aubergiste François Picard reconnait le roi. Les Postillons et palefreniers sont mis au courant.
11 heures
Les voitures royales s’arrêtent à Montmirail. Elles ont trois heures de retard sur l’horaire prévu. À Paris, La Fayette envoie des courriers dans toutes les directions pour arrêter la famille royale. À Sainte-Menehould et Clermont-en-Argonne, la population s’inquiète de l’arrivée des cavaliers; la garde nationale prend les armes.
14 heures 30
Passage à Chaintrix, où le roi est reconnu par le maitre de Poste. À la sortie de Chaintrix, les chevaux s'affalent deux fois. Vers 16h00, arrive à Chaintrix, de Briges, un hussard qui veut rejoindre le roi dès qu'il a appris son départ. Vers 17h00 arrive Bayon, courrier envoyé par La Fayette qui interroge et retient de Briges, il repartira à 19h45, mais aura pris le soin d'envoyer un courrier (le fils de la Poste de Lagny) celui-ci relaiera jusqu'à Châlons venant ainsi conforter le passage du roi et le message de La Fayette. Le Courrier de l'Assemblée Nationale Romeuf, porteur de l'ordre d'arrestation du roi, passe à 17h00.
16 heures
La berline royale arrive à Châlons-en-Champagne par l'avenue de Paris, elle traverse la Marne et prend la rue de Marne. Avec quatre heures de retard, ils relaient chez le maître de poste Viet au 94 rue Saint-Jacques (actuellement rue Léon Bourgeois). Puis reprennent la direction de Sainte-Menehould. Les hussards du régiment de Lauzun détachés à Pont-de-Somme-Vesle, las d’attendre le passage des voitures royales et menacés par les paysans, reçoivent l’ordre de leur jeune chef, le duc de Choiseul, de se replier à travers champs et de gagner Varennes-en-Argonne en évitant les routes.
19 heures 55
Le cabriolet, suivi de la berline royale, s’arrête devant le relais de Sainte-Menehould.
Le maître de poste, Jean-Baptiste Drouet, qui a séjourné à Versailles, reconnaît le roi, mais ne réagit pas.
Dans son témoignage devant l'Assemblée constituante, le 24 juin 1791, il affirme :
« Je crus reconnaître la reine ; et apercevant un homme dans le fond de la voiture à gauche, je fus frappé de la ressemblance de sa physionomie avec l'effigie d'un assignat de 5 livres. »
Il ne se lance à la poursuite de la berline royale que lorsque la municipalité le mandate après délibération.
20 heures 10
Les deux voitures quittent le relais en direction de Clermont-en-Argonne où les attend un détachement de dragons commandé par le colonel Damas. Ceux-ci, pactisant avec la population, refusent les ordres et laisseront passer la berline. En fait Damas ayant parlé avec le roi, celui-ci souhaite rester incognito et relayer sans autre formalité, Damas se propose de le suivre à distance. Damas ne pourra prendre la route qu'avec quelques soldats.
21 heures
Constatant « qu'après avoir demandé des chevaux pour Verdun, ces voitures prenaient la route de Varennes », Jean-Baptiste Drouet et son ami Jean-Chrisosthome Guillaume montent à cheval. Ils se dirigent par la forêt d’Argonne vers le village des Islettes pour rejoindre Varennes-en-Argonne, où ils pensent que se dirigent les voitures royales. À Sainte-Menehould, les dragons sont désarmés sans résistance par la population.
22 heures 50
La berline royale s’arrête à l’entrée de Varennes pendant qu’un postillon cherche le relais.
Les voyageurs sont étonnés de ne trouver aucun des cavaliers qui devaient les escorter.
Ils frappent à la maison de Monsieur de Préfontaines qui dit tout ignorer d’un relais.
En effet, ne voyant rien venir, le relais a été déplacé dans la ville basse, de l’autre côté du pont enjambant la rivière l’Aire.
22 heures 55
Jean-Baptiste Drouet et Jean-Chrisosthome Guillaume arrivent à Varennes, passent devant la berline arrêtée et avertissent le procureur-syndic, l’épicier Jean-Baptiste Sauce, que les voitures de la famille royale en fuite sont arrêtées en haut de la ville. Ils décident de barricader le pont de l’Aire, par lequel doit passer la berline royale. La garde nationale de Varennes se mobilise et son commandant, le futur général Radet, fait mettre deux canons en batterie près du pont.
23 heures 10
Les deux voitures de la famille royale sont immobilisées bien avant la barricade, avant la voûte de l’église Saint-Gégoult qui enjambe la rue.
Jean-Baptiste Sauce, sous la pression des patriotes qui se trouvaient à l’estaminet du « Bras d’or », oblige les voyageurs à descendre et les fait entrer dans sa maison qui est à quelques pas.
Le tocsin sonne, la garde nationale est mise en alerte. Bayon et Romeuf, qui depuis Paris portent l'ordre d'arrêter la famille royale, arrivent peu de temps après, ainsi que les hussards errants de Choiseul et Goguelat.