Lun04Mai2020

Un jour, une balade : 81-88 boulevard de Montmorency

La Fondation d'Heucquevillevilla montmorencyUne adresse aujourd'hui heureusement disparue..celle de la tristement célèbre Fondation d'Heucqueville

 

Aujourd'hui : 81-88 boulevard de Montmorency - La Fondation d'Heucqueville

Adossée à la Villa Montmorency que nous n'avons pu visiter hier,car camps retranché du gotha parisien, cette adresse est bien funestre puisque c'est celle de la Fondation d'Heucqueville, une institution qui recueillait 100 à 300 nourrissons par an avant de s’établir en 1971 jusqu’à sa dissolution en 1979 au 18, rue des Bigots à Meudon.

L'émission 13h15 le Dimanche  : Les enfants de l’ombre - ( Allez à 1:19 pour passer les bandes multicolores )

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Dans les années 1950, le futur président de la République Georges Pompidou était membre du conseil d’administration de cette fondation et travaillait à la banque Rothschild. « On ne trouve plus à la tête des œuvres d’adoption privées que des Politiciens, des architectes, des chirurgiens, des avocats ou simplement des milliardaires, tous parents adoptifs. Ainsi Jean Walter fait-il partie en 1942 du Conseil de l’adoption Française où son épouse Domenica Lacaze a adopté Jean-Pierre Guillaume. La même année, Georges Pompidou adopte son fil unique Alain à la fondation d’Heucqueville dont il est le trésorier ».

13 rue pierre guerin"Beaucoup de pupilles de la Fondation d’Heucqueville sont nés dans cet appartement du 13, rue Pierre-Guérin, dans le 16e arrondissement de Paris. On est à deux pas de la fondation et à trois du domicile de son assistante sociale en chef. C’était une adresse secrète d’où rien ne sortirait", explique Patricia Fagué, spécialiste de la recherche de personnes disparues.

(Note du redacteur de cette article sur juvelize.com : cette adresse secrète m'est d'autan plus marquante car j'ai passé toute ma jeunesse, jusqu'en 1968, au 6 de cette même rue !)

Comme on peut le lire sous la plume de Boris Thiolay dans le livre Lebensborn - la fabrique des enfants parfaits: Enquête sur ces Français nés dans les maternités SS :

Mais il faut ici s'attarder sur un autre fait, peu connu : les théories des « raciologues » nazis ont fait quelques émules en France. C'est le cas de Georges d'Heucqueville, un praticien eugéniste réputé dans les années 1930.

Médecin-chef des asiles publics, l'homme est alors, entre autres, favorable à la stérilisation des alcooliques chroniques. En 1943, le professeur d'Heucqueville publie un livre au titre explicite : Plus d'enfants dégénérés.

L'ouvrage « dédié au maréchal Pétain, restaurateur de la famille française » rend également « hommage aux puissants travaux des savants allemands » . On peut y lire ceci : « De nos jours, certaines nations ont recours au remède héroïque de détruire dans leur sein le genn.en [l'ensemble des cellules reproductrices d'un être vivant] taré, par stérilisation des porteurs de maladie héréditaire. »

Certes, les États-Unis ou les pays scandinaves font partie de ces nations appliquant ce remède « héroïque ». Mais le livre, publié en 1943, sous la censure, salue ouvertement « le relèvement de la race allemande depuis l'avènement de Hitler».

fondation 600Entre-temps, en 1935, Georges d'Heucqueville a créé une fondation à son nom. Cette institution privée se situe au 81-88, boulevard de Montmorency, en bordure du bois de Boulogne, dans les quartiers chics du XVI" arrondissement de Paris. La fondation abrite à la fois un orphelinat et une école de puériculture où sont enseignés les préceptes eugénistes et raciaux du bon docteur d'Heucqueville. L'établissement, qui s'occupe aussi d'adoption, va se développer à la suite de la promulgation de la loi du 2 novembre 1941 autorisant l'accouchement sous X. L'orphelinat accueille notamment des nourrissons issus d'union entre femmes françaises et militaires allemands.

La fondation d'Heucqueville obéit à des règles très particulières ... Elles nous sont rapportées par le journal Paris-Soir. Dans un article dithyrambique, du mardi 25 janvier 1944, ce quotidien collaborationniste s'inquiète : en plein hiver, l'orphelinat est menacé par des coupures de chauffage au gaz. Mais lisons plutôt :

« Ils sont cinquante là, que leurs mères ont refusé de garder parce qu'ils sont lapreuve vivante d'une imprudence, d'une erreur ... Mais il n'y a jamais trop de monde : pour chaque bébé abandonné, sept demandes d'adoption sont formulées, sept foyers ouverts. C'est que la fondation a la réputation d'être une pouponnière modèle. Pour y entrer, il faut que l'enfant soit pourvu d'un bulletin de santé complet et d'une fiche raciale satisfaisante. Les origines, les tares de l'ascendance maternelle y sont consignées, et souvent, dans l'intérêt de l'enfant, la mère dévoile les caractères héréditaires paternels. [ ... ] Si le bébé est admis, on choisit pour Je petit être le milieu le plus favorable à son
épanouissement parmi les familles qui s'offrent et il est bientôt adopté légalement [ ... ]. Ainsi, la fondation entend-elle poursuivre en même temps que son but social, un but national : régénérer la race, renouveler les élites, en procédant à une sévère sélection biologique. »

Le mot « national » fait ici référence à la « Révolution nationale » prônée par Vichy. Par contre, l'origine des règles appliquées par l'orphelinat ne fait guère de doute quant aux visées de l'établissement...

La fondation d'Heucqueville eut-elle des contacts avec les représentants du Lebensbom en France ? Impossible de Je savoir, car les archives de cette pouponnière modèle - qui eut pignon sur rue jusqu'en 1979 - ont, paraît-il, été détruites. Autre coïncidence ...

Lebensborn : la fabrique des enfants parfaits
Ces Français qui sont nés dans une maternité SS
Flammarion
Collection : EnQuête
Maison d'édition : éditions Flammarion
©Flammarion, 2012.
Dépôt légal: mars 2014
ISBN numérique : 978-2-0812-8387-9
Le livre a été imprimé sous les références :
ISBN : 978-2-0812-4343-9

 

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