Le 27 juillet 1990 à 16 h 30, la production de la 2 CV qui défia les époques et unifia sur son usage les classes sociales prend officiellement fin.
Une petite fanfare accompagne la « ultima » (une Charleston grise numéro de série TW6 AZKA0008KA481312 réservée au directeur de l'usine de Mangualde au Portugal, Claude Hebert, au bout de la chaîne de fabrication.
Comme ce fut souvent le cas chez Citroën, les 2 CV produites hors de France étaient très souvent mieux assemblées et équipées que celles issues de l'usine de Levallois. Les voitures fabriquées à Mangualde se reconnaissent facilement par leur meilleure protection contre la poussière et l'humidité du compartiment moteur grâce au montage d'un épais isolant s'étendant jusqu'au pare-choc avant. L'isolation phonique est elle aussi plus soignée, le tablier moteur étant recouvert d'un revêtement insonorisant avant le passage en peinture de la caisse,
Fin officielle car encore cinq 2 CV Spécial, dont au moins une blanche n° KA 372168 équipée en improbable millésime 199113, quittent encore les ateliers la semaine suivante14. Trois d'entre elles (une bleue, une blanche et une rouge) répondaient à un projet de décoration du Mondial de l'Automobile d'octobre 1990 mais finalement cet adieu public ne se réalisa pas.
Le cahier des charges
En 1935, Michelin, fabricant français de pneumatiques, rachète Citroën et place Pierre Boulanger comme patron. Il a l'idée de créer une voiture destinée aux classes sociales du monde rural et à faibles revenus, le souci premier étant de permettre à la maison mère Michelin d'accroître son activité de pneumatiques.
S'inspirant d'une enquête faite auprès d'un public ciblé, envoyée à plusieurs milliers d'exemplaires à travers l'ensemble du territoire, Boulanger écrit le cahier des charges précis et draconien, définissant le projet « TPV » ( toute petite voiture ) :
- avec quatre places assises,
- 50 kg de bagages transportables,
- 2 CV fiscaux,
- traction avant (comme les 11 et 15/Six),
- 60 km/h en vitesse de pointe,
- boîte à trois vitesses,
- facile d'entretien,
- possédant une suspension permettant de traverser un champ labouré avec un panier d'œufs sans en casser un seul,
- ne consommant que 3 litres aux 100 kilomètres,
- devant pouvoir être conduite facilement, par un débutant,
- sans aucun signe ostentatoire.
Le slogan publicitaire « 4 roues sous 1 parapluie » de la fin des années 1960, résume assez bien l'esprit général de ce que le patron attendait.
Il désigne André Lefebvre à la tête du bureau d'études, qui a déjà fait ses preuves sur la Traction. Il aura pour associés, Pierre Meyer, Alphonse Forceau s'occupant de la suspension, Jean Muratet spécialiste de la carrosserie, et Flaminio Bertoni,
Le 1er septembre 1939, 250 voitures sont déjà assemblées à l'usine de Levallois-Perret.
Quelques jours plus tôt, le 28 août, l'administration des Mines avait donné son agrément pour la commercialisation. Sur ordre du patron, toutes les « Type A » sont démontées et détruites. Quelques-unes, essentiellement des prototypes, sont cachés à La Ferté-Vidame dans les greniers du centre d'essai, ou dans les sous-sols du bureau d'étude de Citroën, rue du Théâtre.
Pendant l'occupation, les Allemands, qui étaient au courant de l'étude de cette TPV, demandent à Pierre Boulanger de mettre à leur disposition les plans de cette TPV en échange de la divulgation des plans concernant celle qui deviendra la « Volkswagen » (Voiture du peuple).
Le patron de Citroën refuse cet échange. À partir de l'année 1941, après le bombardement de l'usine du quai de Javel, les études de la TPV reprennent en cachette de l'occupant. On décide d'abandonner les matériaux coûteux, comme le magnésium qui est devenu introuvable. Le moteur reste encore longtemps refroidi par eau mais présente des problèmes de gel à basse température.
Succés immédiat et 7 millions ont été vendues depuis 1949.
En 1949, juste avant l'ouverture du salon de Paris, elle est reçue par le service des Mines et désignée « Type A » (comme la TPV en 1939). La production de la 2 CV type A commence alors, avec un modèle unique et une seule couleur disponible. Elle est vendue sans serrures de portes, le dispositif d'antivol proposé étant celui adopté sur les bicyclettes, pris entre le volant et la barre centrale du siège avant. Les seuls instruments du tableau de bord sont un tachymètre et un ampèremètre.
Dans le même esprit de sobriété, le dépliant qui présente le produit est simple : quatre pages au format d'une carte postale (9 × 13 cm), imprimées en monochromie avec quatre photos.
Les premiers clients, triés sur le volet, peuvent commander « le vilain petit canard ». Ils doivent pour la plupart prendre leur mal en patience du fait d'une demande importante qui fait allonger les délais à 3-5 ans. Pour cette raison, elle est alors plus chère sur le marché d'occasion que neuve.
De 876 unités produites en 1949, et déjà 6 200 en 1950, la production va croître lentement pour atteindre 232 551 en 1961. Au total, 5 114 961 sont officiellement sorties des usines, auxquelles il faut ajouter près de 2 millions de Dyane et Méhari.
En 1961, une 2 CV Sahara avec deux moteurs réussit à grimper jusqu'au sommet de la dune du Pyla, en Gironde, malgré une pente allant jusqu'à 40 degrés. Destinée à l'exploration pétrolière, cette curieuse voiture a deux moteurs : en plus de la mécanique habituelle, un autre moteur de 425 cm³, inversé, est disposé dans le coffre. Malgré des performances surprenantes, ce type ne connaîtra qu'une diffusion confidentielle d'environ 700 unités jusqu'en 1966.(Une version prototype reprenant le concept, mais néanmoins très modernisée (Bip-Bip 1 et 2), est engagée dans le Rallye Dakar 2005 et 2007.)
Deuche : baba cool et Laurent Fabius...
Le prix d'achat de la 2 CV est toujours très bas. En Allemagne, dans les années 1960 par exemple, il est environ deux fois moindre que celui d'une Volkswagen. Avec le temps, celle qui avait été conçue comme produit de remplacement du cheval dans le secteur rural gagne une nouvelle clientèle : ceux qui s'opposent à la culture de consommation de masse (les 'babas cool', ancêtres des écologistes).
Pendant l'année de sa nomination (1984) , après avoir été surpris par la presse au volant d'une luxueuse voiture de course (Ferrari 400), le Premier ministre Laurent Fabius rappelé à l'ordre par le chef de l'état François Mitterrand utilise sa Charleston personnelle pour se rendre à Matignon, assurant encore un peu de succès au modèle.
La charleston, qui est une série limitée produite à partir d'octobre 1980 à 8 000 exemplaires en noir et rouge delage (avec cuvelage des phares en rouge Delage). citroën la produira ensuite en série (mais le cuvelage des phares deviendra chromé). deux autres coloris apparaitront au fil des ans : une version charleston jaune helios et noir (1982-1983, modèle rare), et une version charleston deux tons de gris.